Exposition de Geoffrey Badel

TEMPESTAIRE

du 25 janvier au 2 avril 2021

 

Après avoir été diplômé de l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Montpellier en 2017, Geoffrey Badel poursuit sa pratique artistique à travers le dessin, la vidéo, l’installation, l’art-action et leur promiscuité sous une posture de chercheur de fantômes. Il vit et travaille à Montpellier où il est membre du Collectif In Extremis depuis 2015 et de la compagnie de danse Futur Immoral depuis 2017, dans lesquels il expérimente le travail en collectif et la mise en commun des pratiques et des savoirs. Geoffrey Badel participa au dispositif post-diplôme « Saison 6 », crée en 2018 par Montpellier Contemporain, structuré en trois temps de résidences : Cochin (Inde) en décembre 2018, Venise (Italie) en mai 2019 et Istanbul (Turquie) en août-septembre 2019. Actuellement, il approfondit sa pratique du dessin grâce à la conception d’encres naturelles et de papier artisanal et il intervient dans différents contextes, éducatifs et sociaux, afin de transmettre sa pratique et de proposer des ateliers artistiques.

 

L’exposition Tempestaire de Geoffrey Badel est le retentissement d’un mois de résidence vécu en novembre dans l’Espace Culturel de la Faculté d’Education de Montpellier. A partir d’une archive d’images et de récits historiques liée au contexte pandémique actuel et d’une éco-expérimentation de concoction d’encres naturelles, l’artiste a composé une famille de travaux pluriels où de nouvelles réalisations s’incorporent à d’autres plus anciennes. Dessins, moulages, tissus et indices d’un vécu dialoguent à travers des jeux d’échelle, de matière et de perception dans un environnement synesthésique mouvant.

 

Durant le mois de résidence, Geoffrey Badel a enclenché des recherches gravitant autour de certains récits et d’évènements provenant de périodes historiques de bouleversements sociaux faisant écho au contexte actuel que nous traversons. De la figure du « médecin-bec » aux représentations nocturnes et fantastiques du peintre romantique Johann Heinrich Füssli, du temps de la Peste Noire jusqu’à l’épidémie dansante de Strasbourg en 1518, ces pistes d’études ont constitué un corpus d’images, de textes et de gestes dans lequel l’artiste est venu piocher des fragments afin de proposer un espace fictionnel à déceler et à ressentir.

 

L’installation Ex-voto est composée d’une dizaine de draps anciens en lin teintés d’une encre préparée à partir d’ingrédients présents dans la thériaque, qui fut un célèbre contrepoison utilisé pour soigner les pestiférés. Les formes évanescentes et fantomatiques de la teinture procurent une dimension picturale aux draps. Des moulages de doigts en cire suspendus paraissent glisser entre les plis, voire même se hisser. Dès l’entrée dans l’exposition, nous nous retrouvons entre deux pans monumentaux de ces draps, dont émane une forte odeur d’épices et de plantes. L’installation génère une scénographie qui scinde l’espace d’exposition, modifie notre déambulation, obstrue la vue et révèle l’arrière dans ses interstices. Elle nous suggère de pénétrer dans un espace olfactif, thérapeutique et intimiste. Les doigts agissent comme des pièces de monnaie jetées dans un puits à souhait. La teinte des tissus amène le regard vers les dessins aux murs réalisés sur du papier ancien. Des mises en situation de figures magiques et étranges s’y déroulent sans que le sens nous soit dévoilé. Au sol, des moulages de mains en plâtre semblent s’être échappées des dessins. Ces omniprésences haptiques font partie du vocabulaire artistique de l’artiste à travers lesquelles il tente de nouer une communication inconsciente avec le corps du visiteur.

 

Après avoir traversé les draps, nous nous confrontons à la grande fresque Tempestaire. Dessinée à partir d’encres végétales également utilisées pour teindre les tissus, de charbon, de cire et de suie, elle représente un paysage cosmique dans lequel un corps géant, nu, androgyne, aux cheveux noirs hystériques, brandit son bâton vers le soleil. Ce personnage contient l’histoire du « médecin-bec » usant de son bâton pour ausculter les malades de la Peste Noire faisant également office d’indice d’autorité et de contrôle. Sa chevelure noire amène l’imaginaire dans les légendes des fantômes japonais comme celle de Yuki-onna. Ayant la capacité de se transformer en un nuage de neige ou en brume, cette dernière aide les personnes égarées dans la montagne. Chaque figure et leur mise en scène pensées par l’artiste contiennent de multiples fictions, des légendes entremêlées, des cultures différentes ou issues de la mémoire collective, créant ainsi une mythologie énigmatique requestionnant notre perception et notre rapport à une actualité à la fois concrète et insaisissable.

 

Le titre de l’exposition désigne un être invisible et divin prétendant être doué d’un pouvoir permettant de contrôler les phénomènes célestes comme les tempêtes, les inondations, les tremblements de terre ou encore la famine et les épidémies, en faisant usage de la magie. Ce faiseur de temps présent dans de nombreuses mythologies était considéré comme le responsable de ces turbulences terrestres. En se laissant guider par cet imaginaire et luttant avec l’imagination, Geoffrey Badel réagit au contexte contemporain en déployant un espace immersif peuplé de présences et de figures en cavale, tentant de traduire l’étrangeté présente dans un univers proche d’un réalisme fantastique.